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Que ce soit en France, en Ontario (2e article), en Colombie-Britannique ou au Québec, le métier de gestionnaire de copropriété accuse une pénurie de professionnels pour l’exercer. Pourtant, au Québec, on en parle peu, bien que plusieurs compagnies de gestion peinent à trouver des gestionnaires.
Exactement pour les mêmes raisons que partout ailleurs :
Pourtant, il s’agit d’un beau métier pour plusieurs raisons.
Il est vrai qu’il a son lot de servitudes, comme tous les grands métiers. Les médecins, les comptables professionnels et les avocats travaillent de nombreuses heures et vivent beaucoup de stress. Par contre, ils ont la reconnaissance de leur fonction. C’est peut-être là une leçon à tirer. Le gestionnaire de copropriété, qui coordonne tous les intervenants et professionnels qui travaillent sur un immeuble, doit être perçu pour ce qu’il est : un professionnel généraliste de moult domaines (du droit, de la technique du bâtiment, des finances et de la psychologie humaine).
La rémunération des gestionnaires de copropriété se doit d’être comparable aux autres secteurs de l’immobilier, sans quoi ceux-ci quitteront pour l’immobilier commercial, locatif ou encore pour travailler pour un promoteur immobilier. En effet, toutes ces industries sont en effervescence puisque Montréal est un lieu de grandes opportunités pour la construction immobilière et les nouveaux projets sont souvent constitués en copropriétés mixtes. Les connaissances des gestionnaires de copropriété sont donc très convoitées sur le marché immobilier montréalais en ce moment et les salaires sont compétitifs.
Les opportunités de croissance des connaissances, du savoir-faire et savoir-être ainsi que des compétences de vulgarisateur et de leadership sont inépuisables. Les gestionnaires touchent à tellement de domaines qu’ils n’ont jamais fini d’apprendre. Chaque journée est différente et c’est un métier qui n’impose jamais vraiment de routine.
Le caractère très humain de ce métier est généralement une source de plaisir. Avec les années, les gestionnaires de copropriétés bâtissent des relations de confiance et des liens tant avec les résidents qu’avec les conseils d’administration. Une très grande majorité des relations sont agréables et constructives. Par contre, comme partout, il suffit d’une personne pour gâcher tout le plaisir. Le gestionnaire doit donc, évidemment, apprendre à désamorcer les conflits, gérer les personnalités difficiles et prendre de la distance par rapport à certains commentaires parfois injustes à son endroit.
La pression provenant des salaires est évidente, vu la rareté de la main d’œuvre et notamment des gestionnaires de copropriétés. De plus, la grande demande pour la compétence en copropriété fait également en sorte que les employés sont très mobiles puisqu’ils sont extrêmement sollicités par les chasseurs de têtes. Ainsi, les options étant constantes, lorsque les gestionnaires se sentent submergés par la charge de travail et se font bousculer (parfois très durement) par des clients qui comprennent mal leur réalité, c’est la goutte qui fait déborder le vase et qui les mène vers un autre emploi.
Les mandats à forfait dont le prix par porte a très peu changé dans les 15 dernières années. C’est une réalité de notre industrie : elle est très fragmentée. Ainsi, il y a beaucoup de nouveaux joueurs qui y entrent et veulent se faire une place et la stratégie souvent utilisée pour avoir des clients est de couper dans les prix. Ils ne comprennent pas toujours l’ampleur des tâches et obligations et surtout du temps requis pour l’aspect ”service client” qui vient avec le métier.
Le coût de la formation est élevé. Il n’y a pas d’études supérieures spécialisées en gestion de copropriété comme cela existe en France par exemple. Les firmes de gestion se doivent donc de recruter des gestionnaires pour leur personnalité, leur jugement, leurs expériences de travail antérieures (compétences transférables), leur intérêt pour l’immobilier et d’ensuite les former pour le domaine spécifique de la copropriété. Cela requiert temps et argent. Sans compter qu’il faut espérer que le gestionnaire aime assez le métier pour s’y investir pendant plusieurs années afin de pouvoir amortir la formation dispensée.
Les obligations qui découlent des lois ont beaucoup augmentées dans les dernières années, amenant une augmentation de la charge de travail et du rôle-conseil du gestionnaire :
Déjà en vigueur
À venir en 2022
S’ajoute à cela, l’augmentation du travail qui est survenue par le changement du contexte des copropriétés et de la démographie :
Les conseils d’administration doivent travailler en équipe avec le gestionnaire, prioriser les dossiers, adhérer à des méthodes de travail efficaces, établir un niveau de confiance par lequel le gestionnaire à une marge de manœuvre raisonnable pour prendre des initiatives sur des éléments qui sont prévus au budget, etc. L’objectif est de rendre le travail du gestionnaire agréable et efficace pour le mobiliser à travailler à long terme pour votre communauté. Le plaisir au travail est aussi important que la rémunération et, à ce chapitre, les firmes de gestion ont un rôle à jouer, mais les clients également.
Offrir de la reconnaissance pour les bons coups et voir le travail d’ensemble du gestionnaire (il ne fera pas que des bons coups et parfois certains dossiers prendront du retard puisqu’il faut en prioriser d’autres). Si les copropriétaires et le conseil font toujours sentir au gestionnaire qu’il est inadéquat, il y a fort à parier que ce dernier ne sera pas très motivé. En cas d’insatisfaction, il faut travailler de manière constructive avec le gestionnaire, essayer de comprendre la situation ou le contexte et souvent réévaluer les priorités. Si cela ne fonctionne pas, il faut s’adresser à son directeur de gestion pour obtenir plus de coaching pour l’employé.
Les copropriétaires doivent éviter de harceler le gestionnaire lorsqu’ils sont insatisfaits du mode de fonctionnement de leur copropriété. La vie en copropriété implique des règles dictées par la déclaration de copropriété que le gestionnaire se doit d’appliquer pour assurer une vie collective harmonieuse. Il tente de trouver des compromis acceptables lorsque c’est possible, mais cela ne l’est malheureusement pas toujours, sans risquer de créer de dangereux précédents.
Les copropriétaires doivent se renseigner un minimum sur le produit qu’ils ont acheté. Plusieurs copropriétaires utilisent le personnel des firmes de gestion comme source première d’informations ou comme ressources pour régler des enjeux qu’ils auraient autrefois réglés par eux-mêmes (ex : cogner chez le voisin pour un problème de bruit). Il existe de nombreuses sources d’informations gratuites pour comprendre la copropriété et chaque copropriétaire doit faire l’effort raisonnable de se renseigner pour résoudre des enjeux simples par lui-même. Rappelons-nous que le temps que le gestionnaire dédie au service client, il ne le met pas sur les enjeux importants touchant les parties communes de l’immeuble.
Lorsque votre gestionnaire recommande une structure de fonctionnement (conciergerie, intendance, sécurité, etc.) pour votre immeuble (basée sur sa taille), écoutez-le. Si vous ne lui donnez pas les bonnes ressources pour faire fonctionner l’immeuble, le travail qui n’est pas fait par le bon intervenant retombe en partie sur votre gestionnaire et il viendra vite à déborder. Votre gestionnaire doit mettre son temps sur les projets à valeur ajoutée. Il faut mettre les bonnes personnes aux bonnes places pour qu’un immeuble tourne rondement.
Les syndicats doivent assumer les coûts d’outils logiciels performants et une enveloppe de temps réaliste pour gérer les immeubles. Cela est possible en payant les justes honoraires aux firmes de gestion. Avec des outils performants et suffisamment de temps, les gestionnaires qui travaillent sur les immeubles font du bien meilleur boulot et se réalisent davantage dans leur métier. Il y a donc beaucoup plus de chances qu’un gestionnaire veuille continuer longtemps à travailler en gestion de copropriétés.
Parlons positivement du métier et reconnaissons l’immensité et la multitude des tâches qui sont accomplies par le gestionnaire de copropriétés professionnel. L’AQGC collabore avec des gestionnaires pour mettre en valeur ce métier afin d’intéresser des talents à se joindre à l’industrie. Rendons-lui la vie plus facile en travaillant tous ensemble à rendre l’industrie attrayante et agréable à travailler. Le patrimoine immobilier du Québec ne s’en portera que mieux.
Les firmes de gestion doivent repenser certaines méthodes de travail. Du côté de SolutionCondo, nous avons fait un exercice depuis 2019 de documenter en Visio tous nos processus de travail importants afin de comprendre comment nos employés avaient fait évoluer ces processus dans leur quotidien. Cela nous a permis de simplifier les choses à plusieurs niveaux afin de rendre les processus optimaux et efficaces. Cela est d’ailleurs fort utile pour former nos nouveaux collaborateurs. Dans un même ordre d’idée, depuis le début de la COVID, le niveau d’appels téléphoniques avait plus que doublé (toute proportion gardée) et nous avons mis en place un projet pilote pour fermer les lignes téléphoniques à partir de 13h, ce qui a permis à nos employés d’augmenter leur efficacité en après-midi. Pour demeurer compétitives, les firmes de gestion doivent continuellement chercher des façons de s’améliorer et de gagner en efficacité afin d’être en mesure de rendre des services de qualité.
Vu le niveau de service-client requis dans l’industrie de la copropriété, il devient impensable de croire qu’un gestionnaire de site pourra répondre à tout le monde rapidement, s’il est l’unique point de chute de toutes les demandes des résidents. Les firmes de gestion doivent ainsi repenser la structure de gestion en ajoutant par exemple l’appui de département de soutien (back offices) et d’adjoint de gestion de proximité pour les gestionnaires de site. Toutefois, de telles structures, bien qu’elles offrent un meilleur service-client, viennent avec des coûts additionnels. Toutefois, il est certain qu’un gestionnaire qui est bien appuyé par du personnel de soutien compétent, aimera davantage sa profession, puisqu’il sera plus à même de consacrer du temps à des projets intéressants au bénéfice de l’immeuble.
Les gestionnaires de copropriété doivent cesser d’inclure gratuitement des prestations imprévisibles en termes de fréquence et de temps à consacrer. Comme dans la gestion locative ou commerciale, le mandat de base doit servir au maintien des parties communes de l’immeuble. Tout ce qui touche le privatif (et le résident), les projets spéciaux, les travaux majeurs, les déficiences, les sinistres et tout ce qui est imprévisible et qui ne revient pas annuellement doit faire l’objet d’une tarification distincte afin de permettre aux firmes de gestion d’avoir les ressources pour rendre ces services (voici un guide à cet effet).
À côté de son métier de gestionnaire de syndic, Maïssa Gargouri est avec sa soeur Mayada, dessinatrice de bandes dessinées. Merci à l’ANGC de lui avoir proposé de faire cette illustration.
C’est souvent un reproche qu’on entend en copropriété : il y a un gros taux de roulement chez les gestionnaires.
C’est une réalité que toutes les firmes de gestion tentent de résoudre par une bonne culture d’entreprise, l’esprit d’équipe, de bonnes conditions de travail, etc. Toutefois, il est indéniable qu’il y a des facteurs sur lesquels il faut s’attarder pour régler cet enjeu de roulement et cela se doit d’être un travail d’équipe entre les firmes de gestion, les conseils d’administration et les copropriétaires. Nous sommes finalement tous interreliés dans l’attrait que cette profession peut avoir pour les chercheurs d’emploi. Toutefois, rappelons-nous que nous sommes tous gagnants d’avoir de bons collaborateurs qui travaillent sur les immeubles et dans les départements de soutien (back-offices).
Elise Beauchesne, CPA, CA, Adm.A
Présidente SolutionCondo
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