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Si je vous dis que les frais de condo ont beaucoup augmenté depuis 2020, ce n’est pas une surprise pour personne. L’inflation, les nouvelles obligations légales (et celles à venir) relativement au projet de Loi 16 (PL-16), les nombreux sinistres dont la responsabilité financière incombe au syndicat depuis quelques années (PL-141) et la pénurie de main d’œuvre dans plusieurs secteurs sont en partie en cause.
Ceci dit, cela ne devrait pas décourager les gens à acheter une copropriété, car ce mode d’habitation comporte bon nombre de bénéfices, surtout lorsqu’il est question de plus grandes copropriétés, qui comprennent une multitude de services qui seraient autrement consommés (gym, piscine, etc.). Ne perdons pas de vue le fait que les coûts d’entretien sont généralement moindres que ceux d’une maison puisqu’ils sont répartis sur un plus grand nombre d’unités, et que la sécurité est souvent accrue par rapport à une maison unifamiliale, surtout pour les gens qui doivent s’absenter fréquemment.
Pourtant, le condo semble en désaffection, selon M. Charles Brant, directeur de l’analyse de marché de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (« l’APCIQ »).
Selon un article de La Presse du 15 décembre dernier, pour comprendre la désaffection du public pour le condo, M. Brant énumère les charges de copropriété qui augmentent de façon importante, les difficultés à s’assurer, les cotisations spéciales vertigineuses et les cas de qualité de construction défaillante. « Les gens ont peur d’acheter un condo », dit-il.
Reprenons item par item !
Il est vrai que ces dernières années, les frais de condo ont beaucoup augmenté, et ce, pour plusieurs raisons. Toutefois, la cause de l’augmentation n’est pas uniquement occasionnée par les dépenses consommées annuellement; elle s’explique également par de l’épargne forcée notamment à l’égard du fonds de prévoyance. Voyons ci-après l’impact des événements des dernières années sur chacun des fonds :
Ce fonds se voit affecté par l’inflation des coûts et surtout par les nombreuses expertises imposées par les nouvelles lois des dernières années (évaluation de la valeur de reconstruction, étude du fonds de prévoyance, carnet d’entretien, inspection périodique des stationnements, inspection périodique des façades, etc.). Malgré leur coût, ces nouvelles expertises permettent également d’éviter des drames dans le futur (et des coûts plus élevés lors des travaux) par manque d’entretien.
Il est certain que les petites copropriétés sont plus touchées par le coût de ces nouvelles obligations en proportion de leur budget puisque ces coûts sont partagés entre un nombre plus limité de copropriétaires.
Suivant les nouvelles obligations qui entreront en vigueur avec le projet de loi 16 (nous sommes dans l’attente de la publication du règlement mettant en œuvre ces nouvelles dispositions), plusieurs syndicats ont significativement augmenté leurs contributions au fonds de prévoyance afin d’éviter d’avoir un trop grand rattrapage à faire une fois qu’une étude formelle sur l’état de leur fonds de prévoyance sera réalisée.
En effet, au lieu de contribuer à hauteur de 5% des charges d’opération du syndicat, plusieurs contribuent désormais autour de 0,5% de la valeur de reconstruction de leur immeuble. Pour plusieurs copropriétés, cela représente une contribution 5 à 10 fois supérieure à celle d’avant l’adoption du projet de loi 16.
Cela a un impact significatif sur les frais de condo. Toutefois, on peut également le considérer comme une forme d’épargne forcée pour les copropriétaires, car l’argent n’est pas dépensé immédiatement par le syndicat, mais bien mis en banque pour des travaux majeurs à réaliser dans le futur. L’objectif ultime est que chaque copropriétaire contribue équitablement, à sa juste part, aux coûts des principales composantes majeures de l’immeuble comme le toit, le gros œuvre et l’enveloppe du bâtiment (fenêtres, revêtement extérieur, etc.) par exemple.
Si ce fonds est pleinement cotisé pour un montant égal à la franchise la plus élevée, exception faite des franchises pour tremblement de terre et inondation, et jusqu’à concurrence d’un maximum de 100 000 $, il est possible de cesser les cotisations à ce fonds au niveau du budget annuel.
Lorsqu’un syndicat doit assumer trop de sinistres directement (puisqu’il ne parvient pas à récupérer les sommes encourues auprès des fautifs), alors il doit utiliser les sommes accumulées dans son fonds d’autoassurance et doit le renflouer par de nouvelles cotisations dans un budget subséquent.
Ainsi, lors de l’achat d’un condo, il est prudent de connaître l’historique de sinistralité de l’immeuble.
Il y a moins d’offre des compagnies d’assurance sur le marché pour les immeubles en copropriétés depuis les cinq dernières années. C’est vrai. Toutefois, relativement peu de syndicats de copropriétés rencontrent des difficultés à s’assurer en proportion du nombre total de syndicats.
Ceci dit, lorsqu’un syndicat se voit refuser l’assurance, cela résulte en une situation grave car les conséquences sont lourdes et coûteuses pour les copropriétaires. Il faut donc être vigilant au niveau du nombre de sinistres réclamés et mettre en place des mesures de prévention rigoureuses.
En général, lorsqu’un immeuble est victime de plusieurs sinistres réclamés, sa franchise pour les dégâts d’eau augmentera significativement, atteignant parfois jusqu’à 100K ou 250K $, selon la taille de l’immeuble. Dans de tels cas, autant dire que le syndicat s’autoassure entièrement, assumant donc seul les risques. C’est là que le fonds d’autoassurance peut devenir un puits sans fond qui doit continuellement être renfloué.
C’est pourquoi, dans le contexte actuel, la prévention des sinistres est cruciale.
Le Québec est la seule province canadienne qui n’exige pas d’inspections de chantiers durant la construction. Nous estimons que cette mesure pourrait contribuer à réduire à long terme les risques de sinistres causés par des vices de construction et de contentieux liés à diverses déficiences de construction. Ces deux situations peuvent effectivement entraîner des cotisations spéciales élevées pour les syndicats de copropriétés.
Près de 95% des sinistres sont liés à des dégâts d’eau et bon nombre d’entre eux découlent d’une mauvaise construction et de déficiences qui se trouvent souvent cachées derrière les murs.
L’absence d’imputabilité des promoteurs par des règles coercitives telles que le plan de garantie de la GCR pour les petits immeubles (ou similaire au système Français avec la garantie décennale de 10 ans couvrant les sinistres dans les immeubles neufs) force parfois les syndicats de copropriétés à entreprendre de longues procédures judiciaires pour obtenir des correctifs sur leurs immeubles, et cela uniquement pour les vices qu’ils sont en mesure de découvrir. Pour faire valoir leurs “droits”, ils doivent engager des sommes considérables pour des réparations urgentes, des frais d’expertise et des frais d’avocat.
Pour une stratégie gagnante, il y aurait l’achat d’un condo ayant déjà quelques années d’existence, ou l’achat d’un condo auprès d’un promoteur jouissant d’une solide réputation, basée sur plusieurs années d’expérience en ayant fait ses preuves qu’il résout les déficiences de ses immeubles.
Il est possible d’avoir des cotisations spéciales dans ce fonds, surtout si vous regardez du côté des immeubles neufs. Certains promoteurs (pas tous heureusement) établissent encore des budgets sous-cotisés pour faciliter les ventes des unités de condo.
De plus, si vous avez acheté une unité neuve dans un immeuble de cinq étages et plus, vous n’êtes pas couvert par le plan de garantie obligatoire de la GCR. Par conséquent, si vous rencontrez des vices de construction, votre syndicat pourrait devoir engager des cotisations spéciales pour embaucher un avocat afin de faire valoir ses droits et corriger les déficiences affectant l’immeuble.
Historiquement, les cotisations spéciales dans ce fonds étaient souvent nécessaires pour financer des travaux majeurs, car le fonds de prévoyance était souvent sous-capitalisé. Cela devrait se produire de moins en moins fréquemment à l’avenir puisque les cotisations au fonds de prévoyance ont significativement augmenté en raison du projet de loi 16. Celui-ci exigera que les syndicats contribuent à leur fonds de prévoyance en fonction des recommandations d’une étude réalisée par un expert.
Lorsqu’on examine l’étude du fonds de prévoyance, il est essentiel d’être attentif aux besoins futurs de l’immeuble par rapport au solde accumulé dans le fonds, ainsi qu’aux cotisations prévues pour les prochaines années. Actuellement, il arrive encore que les études de fonds de prévoyance prévoient une augmentation significative des contributions dans le futur, plutôt que d’opter pour une stratégie de capitalisation du fonds de prévoyance plus régulière. En effet, la logique veut que quelqu’un qui bénéficie d’un toit sur sa tête la 30e année d’un immeuble n’en tire pas plus de bénéfice que celui qui a un toit sur sa tête la 1ère année d’existence dudit immeuble.
Il faut donc être vigilant, car certains syndicats de copropriétés, bien qu’ils respectent les directives de leur étude de fonds de prévoyance, sont techniquement sous-capitalisés. Cela résulte du choix d’une stratégie de capitalisation exponentielle sur les prochaines années, au lieu d’opter pour une approche linéaire qui augmenterait uniquement en fonction de l’inflation, par exemple.
En conséquence, bien que cela ne se traduise pas nécessairement par des cotisations spéciales, cette stratégie de financement du fonds de prévoyance entraînera des augmentations systématiques et plus élevées des frais de condo. Il est donc crucial de prendre cela en compte au moment de l’achat afin de négocier efficacement le prix d’achat de votre futur condo.
C’est un fait, que le risque de cotisation spéciale à l’égard du fonds d’autoassurance est actuellement plus élevé qu’avant les changements législatifs de 2018.
En effet, avec la réforme de l’assurance en copropriété initiée en 2018 avec le projet de loi 141, qui a modifié l’article 1074.2 du Code civil du Québec (C.c.Q), les syndicats rencontrent depuis de grandes difficultés à se faire rembourser le coût des sinistres survenant dans leurs immeubles, et ce, même lorsqu’il y a un fautif.
En pratique, depuis cette dernière modification, les copropriétaires et leurs assureurs refusent, dans une grande majorité des cas, d’indemniser les syndicats pour les coûts liés aux sinistres résultant fréquemment du fait fautif des copropriétaires. Tant qu’il n’y aura pas de modifications aux mesures législatives en cause, le fonds d’autoassurance restera un puits sans fond qu’il faudra renflouer année après année.
SolutionCondo, avec d’autres acteurs de l’industrie, font pression auprès du gouvernement pour faire modifier l’article 1074.2 afin de corriger la situation pour le bénéfice de l’ensemble des copropriétaires.
Peu importe la méthode de calcul utilisée, lorsqu’on compare une maison et un condo de même dimension et dans une même région géographique, vous serez toujours avantagé en termes de coûts d’exploitation* dans une copropriété bien gérée et avec une bonne gouvernance.
*Les coûts qu’on pourrait dire d’exploitation sont les coûts réels consommés annuellement (assurance, déneigement, paysagement, tonte de pelouse, lavage des vitres, réparations diverses, entretien de la piscine, etc. et les coûts des sinistres non-indemnisés par un assureur, mais en excluant la contribution que vous êtes forcés de mettre de côté dans le fonds de prévoyance).
En résumé, l’attrait du condo a diminué au cours des cinq dernières années en raison de l’augmentation des frais de condo causée par la nécessité d’épargner pour le fonds de prévoyance, mais surtout par l’imprévisibilité des contributions requises au fonds d’autoassurance. Cela le rend moins attrayant pour les investisseurs cherchant à le louer pour réaliser un profit. Toutefois, comme résidence principale, il demeure une excellente alternative à la maison unifamiliale, surtout si votre mode de vie s’y prête bien et que vous avez les liquidités pour assumer des frais de condo plus élevés que par le passé.
Dans une maison unifamiliale, il est toujours possible de ne pas mettre de l’argent de côté pour les travaux majeurs à venir et à ne pas l’entretenir, mais est-ce vraiment une façon d’optimiser un tel investissement sur le long terme ?
Elise Beauchesne, CPA, CA, Adm.A
Associée-fondatrice
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Piercarlo Bruchési dit :
29 avril 2024 À 14 h 02 min
Un gros merci à Élise pour ce compte-rendu aussi explicite et malheureusement réaliste de l'environnement des condos.
Je comprends aussi que le législatif, malgré sa bonne volonté, a généré de profondes injustices au dépend du copropriétaire rigoureux.
Ceci dit, je me félicite que Les Berges du Fleuve soit associé à un gestionnaire tel que Solution Condo.