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Dernièrement, j’entends dire qu’il faut implanter toute sorte d’obligations (via des lois ; notamment celles proposées dans le projet de loi 16) à l’industrie de la copropriété sous prétexte qu’il faut préserver le patrimoine bâti. Je suis d’accord qu’il faut préserver les immeubles en bon état et j’entends « tous » les immeubles, car des situations déplorables peuvent se produire partout.
Voici un survol de quelques situations retrouvées dans les journaux :
2008 : Une dalle de béton se détache et tue un livreur (locatif)
2009 : Une dalle de béton se détache de l’hôtel Marriott
2009 : La façade d’un immeuble menace de s’effondrer (commercial)
2012 : Une partie de la façade d’un immeuble s’effondre (locatif)
2017 : La façade d’une église de Québec s’effondre
Toutefois, les situations dangereuses et les drames des dernières années touchent rarement la copropriété, mais bien plus les immeubles commerciaux et locatifs. Pourtant, on ne parle pas de leur imposer le maintien d’un carnet des entretiens faits et à faire comme le veut le projet de loi 16 en matière de copropriété (nos soulignés) :
« 1070.2. Le syndicat fait établir un carnet d’entretien de l’immeuble, lequel décrit notamment les entretiens faits et à faire. Il tient ce carnet à jour et le fait réviser périodiquement.
La forme, le contenu et les modalités de tenue et de révision du carnet d’entretien, de même que les personnes qui peuvent l’établir, sont déterminés par règlement du gouvernement. »
Malgré ce qu’on entend sur certaines tribunes, les immeubles en copropriété sont, pour la plupart, en relativement bon état. Bien qu’il soit parfois difficile de réaliser certains travaux, ceux-ci finissent par se faire. En conséquence, il y a relativement peu de drames hormis ceux découlant de la façon de financer les travaux majeurs, d’où pourquoi il faut rendre les études sur le fonds de prévoyance obligatoire et l’information disponible à tous pour éviter que les banques financent sur la base d’une valeur trop élevée (ignorant le passif éventuel lié au fonds de prévoyance).
Par contre, pourquoi visons-nous uniquement le domaine de la copropriété au niveau du carnet d’entretien et non pas l’ensemble du patrimoine bâti, incluant celui en location et celui commercial lorsqu’on veut se mêler de l’entretien des bâtiments ? « Ce qui est bon pour pitou est bon pour minou » comme on dit. En fait, s’il était réellement indispensable de se mêler dans le détail de l’entretien des bâtiments en copropriété, alors la loi devrait s’appliquer autant pour le locatif que pour le commercial. En plus, le patrimoine bâti locatif n’est pas en super état à ce que je sache et cela joue également sur l’un des plus gros investissements de ces propriétaires et potentiellement sur la sécurité du public. Alors pourquoi on ne cherche pas à légiférer sur l’entretien de ces bâtiments également si on se sent justifié de le faire pour la copropriété ? Après tout, lorsque la loi 122 de la Régie du bâtiment du Québec (touchant les inspections de façade et de stationnement) est entrée en vigueur, on y a soumis également les immeubles en copropriété, bien que les situations nous ayant menées-là ne relevaient pas du condo, mais bien des autres secteurs de l’immobilier.
Serait-ce possible qu’on vise uniquement la copropriété parce que ces obligations ont des coûts importants et qu’on ne veut pas faire monter le prix des loyers (dans le cas du locatif) puisque sinon on aura plusieurs lobbys puissants tels que le FRAPRU sur le dos. De plus, est-il possible que les propriétaires d’immobilier commercial ne tolèrent jamais qu’on vienne leur dire comment s’occuper de leur bien ”privé” ? Par contre, en copropriété nous ne sommes pas organisés pour lobbyer au nom des copropriétaires et dans leurs intérêts puisque c’est un cumul de petits propriétaires indépendants. Le RGCQ qui prône ces nouvelles règles sous le prétexte de la protection du public ignore complètement les coûts que cela représente pour les copropriétaires. Est-ce que les copropriétaires sont réellement informés des implications (risques et coûts) pour leur syndicat de cet article du projet de loi 16 ? Est-ce que quelques cas plus problématiques justifient qu’on impose des règles de la sorte à tous, risquant de créer d’autres problèmes et litiges ? Ne vous tromper pas sur mon discours, je suis pour la protection du public moi aussi, étant membre de 2 ordres professionnels (CPA et Adm.A). Toutefois, je suis également gestionnaire et il est pour moi indispensable de considérer les coûts versus les bénéfices des mesures qu’on cherche à implanter pour améliorer une situation. J’ai donc une vision bien différente d’où doit aller l’industrie de la copropriété afin d’éviter les aléas vers lesquels nous nous dirigeons si nous prenons le chemin proposé par le projet de loi 16 sur certaines des mesures préconisées (lire le mémoire de la FCQ pour plus de détails). C’est d’ailleurs pour pouvoir exprimer ces opinions librement que j’ai démissionné du conseil d’administration du RGCQ sur lequel j’ai siégé pendant près de 10 ans.
Puisque la copropriété demeure également un mode d’habitation « privé » il serait important d’éviter de s’ingérer dans les affaires des syndicats de copropriété et forcer un mode de fonctionnement précis. Il est vrai que la copropriété est également un mode d’habitation « collectif » , car elle regroupe plusieurs propriétaires « privés », mais on ne peut pas tout se permettre sous le prétexte de protéger la collectivité. En fait, le mode d’habitation en copropriété a prévu des mécanismes qui sont l’assemblée des copropriétaires et le conseil d’administration pour arriver à faire fonctionner les copropriétés et la majorité des immeubles arrivent à bien fonctionner et à des coûts très raisonnables. Il faut plutôt encourager les copropriétaires à s’impliquer sur le conseil d’administration, les former pour qu’ils le fasse bien, etc. La voie d’imposer des obligations additionnelles sur des sujets dont les opinions peuvent diverger énormément quant à l’application est une recette parfaite pour créer des litiges. D’autant plus qu’en copropriété, des opinions il y en a autant qu’il y a de copropriétaires, mais il y a souvent peu de gens qui veulent s’impliquer et engager leur responsabilité civile pour administrer le bien collectif. Il faudrait éviter de leur faire perdre complètement le goût de le faire sous prétexte qu’on s’ingère dans leurs affaires et qu’on leur dicte comment travailler et qu’en plus, on les met davantage à risque d’être critiqué et de devenir le centre de litiges par leurs décisions.
À cet effet, mon avis est que le RGCQ et toutes les associations devraient prôner les bonnes pratiques de gestion aux syndicats de copropriété. C’est le rôle d’une association que d’informer ses membres sur les bonnes pratiques. Lorsque je me suis impliquée sur le comité de « carnet d’entretien » du RGCQ il y a quelques mois, je pensais d’ailleurs que l’objectif était de créer un modèle pour encourager les gens à avancer dans cette pratique naissante. Je suis complètement favorable à faire évoluer les pratiques de gestion, mais complètement contre d’en faire des lois, alors que nous demeurons dans des concepts de gestion.
Il est indéniable qu’un immeuble bien géré a plus de valeur et en conséquence, je crois que les administrateurs ont tout le biais nécessaire à vouloir faire une bonne gestion afin de maximiser leur investissement. Par contre, n’oublions pas que ces administrateurs, ils ne sont pas nombreux à vouloir le poste et qu’il est essentiel de leur laisser la flexibilité de choisir comment ils vont administrer leur bien. Notre rôle comme gestionnaire et comme association est de les renseigner sur comment adopter les meilleures pratiques et de trouver des mécanismes efficients pour arriver à le faire.
La solution, à mon avis, ne passe pas par l’ajout de loi.
Elise Beauchesne, CPA, CA, Adm.A
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Marcel Landry dit :
22 mai 2019 À 13 h 01 min
Vous avez raison je crains fort que le gouvernement s'engage dans une surréglementation qui va étouffer les gestionnaires de petites propriétés.
Benoit Hamel dit :
22 mai 2019 À 12 h 14 min
Je suis entièrement d'accord, vous avez mis par écrits tout ce que je pensais.
Je vois comme possibilité, pour démontrer la différence de gestion et de qualité de CA entre les immeubles, l'instauration d'un système d'étoile comme dans les hôtels; un 5 étoiles aurait une valeur plus élevée qu'un 2 étoiles.