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Avant le 13 décembre dernier les choses étaient bien différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui, les occupants en copropriété étant tenus par défaut responsables des conséquences de leurs actions (« responsabilité sans faute ») . En des termes pratiques, les unités d’où émanaient un sinistre étaient contraintes de débourser (via leurs assurances) pour les dommages causés aux autres unités privatives, et de rembourser jusqu’à concurrence de la franchise du syndicat pour les dégâts aux parties communes. En somme, le régime de la copropriété ne mutualisait pas les dommages auprès de la communauté de copropriétaires comme il le fait aujourd’hui.
Les conséquences pour un syndicat de copropriété de ce changement législatif sont principalement de trois ordres :
1) la déresponsabilisation potentielle des copropriétaires et/ou de leurs occupants en ce qui concerne leurs installations (notamment robinetterie, électroménager, chauffe-eau) ;
2) la confusion créée et la difficulté à être indemnisé par des assureurs qui se rejetteront la faute l’un l’autre ;
3) la position du syndicat qui devient de fait son propre assureur (tout du moins pour les dommages inférieurs à la franchise) et qui doit prendre les dispositions financières qui s’imposent pour se préparer à ces surcoûts (via des cotisations spéciales ou des hausses significatives à son budget opérationnel).
Ainsi, nous avons jugé à propos de faire un tour d’horizon pour voir comment ça se passe ailleurs. Nous avons choisi la Colombie-Britannique, l’Ontario, et la France, afin d’y examiner les options retenues par le législateur en matière de responsabilité civile. L’intérêt de la Colombie Britannique et de l’Ontario vient du fait que le marché de la copropriété y est plus « mature » qu’au Québec. Nous nous intéresserons ensuite au cas français, non seulement pour ses pratiques civilistes, mais aussi parce qu’en ce qui concerne le régime de la copropriété divise, le législateur québécois s’est largement inspiré de l’exemple outre-Atlantique.
La responsabilité civile dans d’autres juridictions
La Colombie Britannique
Le régime de la copropriété divise en Colombie Britannique est gouverné par le Strata Property Act et la question de l’assurance s’y trouve évoquée dans la neuvième partie : http://www.bclaws.ca/Recon/document/ID/freeside/98043_00.
Insurance deductible
158 (1) Subject to the regulations, the payment of an insurance deductible in respect of a claim on the strata corporation’s insurance is a common expense to be contributed to by means of strata fees calculated in accordance with section 99 (2) or 100 (1).
(2) Subsection (1) does not limit the capacity of the strata corporation to sue an owner in order to recover the deductible portion of an insurance claim if the owner is responsible for the loss or damage that gave rise to the claim.
La jurisprudence conforte d’ailleurs cette règle et nous précise que la convention entre copropriétaires (la « bylaw », soit l’équivalent de notre déclaration de copropriété en droit civil) est la source première pour déterminer les disposition applicables en matière de responsabilité civile :
The answer is typically found in the strata bylaws. In the leading case of Strata Corp. VR 2673 v. Comissiona, 2000 BCSC 1240, a unit owner’s toilet broke and the flooding damaged common property and other suites. The Strata Corporation sued the unit owner for the deductible amount of $25,000.00. The BC Supreme Court held that the right to sue is determined by the strata corporation bylaws, rules, and regulations, and examined those to see whether the Strata Corporation could indeed sue the owner for the deductible. In this case, one of the Strata Corporation’s rules provided that, “Any damage to common property caused by the negligence of the owner, occupants of his strata lot, or his guests, will be charged to the owner of the strata lot.” The court held this rule was good enough to allow the suit to proceed.
Some strata bylaws only allow the deductible to be charged to a unit owner if the owner was negligent or otherwise at fault for the damage. Other strata bylaws impose a form of “strict liability”, where the unit owner will be responsible for the damage regardless of whether they were at fault.
In the case of Mari v. OSP LMS 2835, 2007 BCSC 740, the Strata Corporation had a bylaw which stated: “The insurance deductible costs are the responsibility of the strata owner”. The court held that even though the owner had not been negligent, the Strata Corporation could recover its deductible from the owner of the unit from which the water originated, even if the owner was not negligent, reasoning that “The Legislature used the term ‘responsible for’ in s. 158(2) rather than terms such as ‘legally liable, liable, negligent’.[1]”
En résumé : la situation actuelle en Colombie Britannique est donc comparable à celle qui prévalait au Québec avant la réforme du 13 décembre 2018.
L’Ontario
L’Ontario a adopté une position hybride entre l’ancien régime qui prédominait au Québec et le nouveau. La situation est rendue complexe dans la mesure où des nouvelles dispositions ont été adoptées mais pas encore ratifiées au sein de la loi gouvernant la copropriété divise en Ontario, soit le Condominium Act, 1998.
Pour faire court, les nouvelles dispositions en matière de responsabilité civile tiennent le syndicat responsable de l’ensemble de l’immeuble (tant les parties privatives que communes). Toutefois, les syndicats qui ont pris leur disposition avant le 1er juillet 2017 ont pu s’assurer de conserver le pouvoir, par simple vote majoritaire, de se retourner contre un copropriétaire à l’origine de dégâts aux parties communes pour en obtenir le montant de la franchise d’assurance[2]. Cela reste théoriquement possible aujourd’hui mais tout amendement à la convention (déclaration de copropriété) nécessite à présent 80% de l’assentiment de l’ensemble des copropriétaires (en pratique des niveaux élevés de majorités).
En résumé : la situation par défaut en Ontario ressemble à la nouvelle réalité québécoise. Mais il existe toutefois une possibilité pour les syndicats de faire porter la responsabilité aux unités à l’origine d’un sinistre, tout du moins en ce qui concerne le montant de la franchise du syndicat, sous réserve de modifier la déclaration de copropriété avec des majorités élevées (80% des voix des copropriétaires).
La France
En France, le régime de la copropriété divise est gouverné par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, à laquelle il convient d’ajouter la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (1) en ce qui concerne les enjeux d’assurance.
Comme nous le précise le site d’informations gouvernemental service-public.fr[3] :
Assurance de chaque copropriétaire
Chaque copropriétaire, qu’il soit occupant de son logement ou non, doit l’assurer au minimum en responsabilité civile. Cette assurance permet de couvrir le copropriétaire qui l’a souscrite, lorsqu’un sinistre a pris naissance dans son bien et a causé des dommages :
Il convient de vérifier ces éléments dans son contrat ou de se renseigner auprès de sa compagnie d’assurance.
Assurance de la copropriété
L’immeuble en copropriété doit être assuré collectivement, au moins en ce qui concerne la responsabilité civile. L’assurance collective de la copropriété sert à indemniser les victimes des dégâts qui trouvent leur origine dans les parties communes de l’immeuble. Il s’agit par exemple de sinistres provoqués par :
En résumé : le contexte français est similaire à celui qui prévalait au Québec avant la réforme du 13 décembre 2018. Les copropriétaires restent en effet responsables de tout dommage ayant ‘pris naissance’ dans leur unité.
Conclusion
Dans les trois juridictions consultées, la situation est largement comparable au régime qui prévalait au Québec avant la réforme du Code civil du 13 décembre 2018. Il n’y a qu’en Ontario où des changements semblables au nouveau régime québécois ont pris place, avec possibilité toutefois d`y déroger. Le Québec fait donc figure de cavalier seul dans sa volonté de placer la plus grosse part de la responsabilité civile sur le dos du syndicat de copropriété, sans qu’il soit aisé d’y déroger (clause possiblement d’ordre public).
[1] FH&P Lawyers LLP, https://www.fhplawyers.com/blog/strata-and-owner-insurance-issues/
[2] Condo Adviser, Gowling WLG, http://condoadviser.ca/2017/04/major-changes-to-condo-insurance-and-repair-obligations/condo-law-blog-Ontario.
[3] Service-public.fr : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2027
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